Les bains turcs de Budapest
Publié le 25 Mai 2014
Ce matin, je suis fatigué. J’ai passé la journée d’hier à parcourir méthodiquement les rues de Budapest, de façon quasi-exhaustive, marchant facilement une bonne trentaine de kilomètres. Il est hors de question que je réitère la chose aujourd’hui avec mon sac de quinze kilos sur le dos. Pour une fois, il me faut trouver une activité reposante et immobile.
Ça tombe bien : la ville est célèbre pour ses nombreux thermes, en particulier ses bains turcs, vestiges de l’occupation ottomane. Sur les conseils de mon hôte Balazs, je jette mon dévolu sur celui de Rudas. Construit à la fin du XVIème siècle, c’est le genre d’édifice que tu prendrais plaisir à visiter à Istanbul, même vide, ne serait-ce que pour son architecture typique. Alors pouvoir s’y baigner, c’est un véritable voyage dans le temps.
Etant le mieux préservé de tous les bains turcs de la ville, je craignais de débarquer dans un bac à touriste. Mais en réalité, l’établissement est essentiellement fréquenté par de vieux habitués, arborant pour beaucoup moustache et bedaine prépondérante. Parfait.
Au dessus du bassin principal, huit colonnes massives soutiennent une imposante coupole d’une dizaine de mètres de diamètre. Les nombreux orifices aux vitraux colorés laissent pénétrer de timides rayons de soleil, qui viennent se refléter à la surface de l’eau. La légère odeur de soufre me rappelle les sources chaudes d’Islande. Il règne ici une atmosphère des plus calmes où chacun prend soin de parler doucement pour ne pas déranger ses voisins. Zen.
Avant d’arriver, ma principale interrogation concernait le dress-code. Je me demandais si j’allais ou non devoir me promener la guise à l’air. Il s’avère qu’en fait, ça dépend des jours. En semaine, les bains sont réservés aux hommes et apparemment tout le monde fait trempette à poil, sauf à passer pour un gros péquenaud de touriste. Le week-end, en revanche, les bains sont mixtes et on a alors un minimum de pudeur, le maillot de bain devenant obligatoire.
Je fais les comptes dans ma tête : on est samedi, pas d’exhibition aujourd’hui. Je dois dire que je suis un peu déçu de ne pas pouvoir tester l’expérience des bains turcs à cent pour cent. Mais en même temps, j’avoue être soulagé de pouvoir garder mon slibard, certains établissements ayant acquis la ferme réputation d’être devenus le lieu de rendez-vous – et plus si affinité – de la communauté gay. Non pas que j'aie quoi que ce soit contre mes amis homosexuels, mais je n'aurais certainement pas été super à l'aise...
Après avoir habilement retroussé l’élastique « Athéna » de mon boxer noir – parce que, oui, ce n’est qu’une fois sur place que je me suis rendu compte que je n’avais pas de maillot de bain – j’ai donc pu me jeter à l’eau. Totalement novice en la matière, je ne savais pas s’il y avait un ordre précis à respecter entre chaque bassin : chaud / froid, froid / chaud, sauna, hammam, etc.
Dans le doute, j’ai donc décidé de me trouver un professeur. J’ai repéré un petit vieux au faciès bien hongrois et l’ai suivi un peu partout pendant trois heures, dans l’espoir de faire les choses comme il faut. Mis à part le saut d’eau glacée après le sauna affichant un insolant quatre-vingt degrés, pas super agréable en soit, l’expérience aura été plus que positive et extrêmement relaxante. J’espère juste que mon guide ne m’aura pas repéré et cru que je m’étais trompé de jour…