Débarquement sur l’île d’Olkhon

Publié le 18 Juin 2014

En arrivant à Irkoutsk, j’ai tout de suite trouvé que la ville avait l’air franchement moche. Mais comme se fier à sa première impression n’est souvent pas très malin, on est quand même allés se balader dans le centre, suivant les conseils de notre hôte. Avec un peu de recul, ma seconde impression se permet d’être plus catégorique : Irkoutsk est franchement moche. Il y a bien les vieilles baraques en bois complètement bancales pour te faire sourire, mais c’est clairement pas une destination qui vend du rêve. Evidemment, ça n’engage que moi.

Les vieilles baraques d'IrkoutskLes vieilles baraques d'Irkoutsk

Les vieilles baraques d'Irkoutsk

Du coup, pendant qu’Isa vaquait à ses occupations, Frizzette et moi avons rapidement décidé d’aller faire un petit tour du côté du Baïkal. Depuis Irkoutsk, qui se trouve encore à une soixantaine de kilomètres du lac, le plus simple est de se diriger vers Listvianka, juste à l’embouchure du fleuve. Curieux mélange entre station balnéaire bas de gamme et camp de pêcheurs désœuvrés, le village est vraiment atypique. Ceci dit, après dix minutes de marche et une paëlla chez Sacha, au marché aux poissons, il n’y a plus grand-chose à faire. Si on peut déjà apprécier un avant-goût du Baïkal dans cet endroit facile d’accès, il apparaît que ce n’est pas là qu’on en découvrira les plus beaux aspects. 

Listvianka, porte du BaïkalListvianka, porte du BaïkalListvianka, porte du Baïkal
Listvianka, porte du BaïkalListvianka, porte du BaïkalListvianka, porte du Baïkal

Listvianka, porte du Baïkal

La fameuse Olkhon semblant au contraire faire l’unanimité, c’est désormais vers cette île sacrée, haut lieu du chamanisme bouriate, que nous décidons de faire cap. Entassés à douze pendant cinq heures dans un vieux mini-van lancé à toute allure sur des routes défoncées, j’ai un peu l’impression d’avoir été fourré dans le tambour d’une machine à laver faisant du trampoline sur des montagnes russes. Les cervicales prennent cher, mais c’est le tarif pour accéder à ce lieu reculé.

Après avoir traversé la plaine et ses éternelles forêts de boulots, toute végétation de plus de trente centimètres disparaît soudainement, de même que le goudron de la route qui se transforme en piste chaotique. En l’espace de quelques secondes, le paysage a brutalement changé et j’ai l’impression de me retrouver dans ce que j’imagine être une steppe mongole. Dans la mesure où l’on se situe en territoire bouriate – ethnie cousine, elle aussi de tradition nomade, à laquelle appartient d’ailleurs notre ami Alex –, ça paraît avoir du sens. Mais je garde la découverte des grands espaces pour plus tard… Attrapant le bac à la dernière seconde, nous voilà finalement arrivés sur Olkhon.

En route vers OlkhonEn route vers OlkhonEn route vers Olkhon

En route vers Olkhon

Nous posons nos sacs à Khoujir, le plus grand village de l’île. Heureusement que j’avais vu une photo sur internet la veille, sinon j’aurais sans doute été un poil déstabilisé… De prime abord, tu as vraiment le sentiment d’atterrir dans un bidonville, héritage de l'effondrement soviétique. Les maisonnettes en bois et tôle sont en grande partie délabrées. Les rues sableuses voient aussi bien passer de vieux vans russes que des troupeaux de vaches en liberté allant paitre dans le marécage servant de place centrale. Partout l’on peut observer des carcasses de voitures et des meutes de chiens errants. Les épaves d'anciens bateaux de pêche gisent dans le sinistre port dont l’unique ponton ne tient plus que par habitude. Sous la bruine qui nous accueille aujourd’hui, tout semble désespérément mort. 

Khoujir, triste héritage de l'effondrement soviétiqueKhoujir, triste héritage de l'effondrement soviétiqueKhoujir, triste héritage de l'effondrement soviétique
Khoujir, triste héritage de l'effondrement soviétiqueKhoujir, triste héritage de l'effondrement soviétique
Khoujir, triste héritage de l'effondrement soviétiqueKhoujir, triste héritage de l'effondrement soviétique
Khoujir, triste héritage de l'effondrement soviétiqueKhoujir, triste héritage de l'effondrement soviétiqueKhoujir, triste héritage de l'effondrement soviétique

Khoujir, triste héritage de l'effondrement soviétique

Pour tenter de sortir la tête du sable, le tourisme se développe frénétiquement. Chacun essaye de tirer son épingle du jeu en s’affichant guest-house, café-internet ou boutique souvenir. Ça reste visuellement discret, mais néanmoins bien ancré. On rencontre toutes les nationalités – bien qu’en majorité des français, dont deux anciens collègues d’Antea ! – dans le quartier-hôtel fondé par Nikita, qui a su conserver la rusticité des cabanes de la ville. En cette fin juin, le flux étranger n’est pas encore oppressant, mais il paraît que la population de l’île quadruple au cœur de l’été. J’essaye de ne pas trop penser aux effets néfastes de la surexploitation touristique – approvisionnement anarchique en eau, absence de traitement des effluents (directement rejetés dans le Baïkal), décharges à ciel ouvert, etc. – dont évidemment personne ne parle. Ça me met légèrement mal à l’aise depuis que j’ai pris conscience de la chose il y a quelques heures, mais, un peu honteux, je me résigne à faire l’autruche. Je suppose qu’on ne peut être de tous les combats. Et force est de constater qu'en dépit de tout cela, le charme du lieu opère rapidement.

En réalité, si on se sent vite si bien ici, c’est aussi et surtout à cause de la beauté de la nature environnante. Quelques pas hors de la ville suffisent à se retrouver sur les falaises surplombant le lac. La rive opposée me rappelle les collines islandaises, dont j’aurais pourtant juré que l’aspect était unique au monde. La clarté de l’eau est déconcertante et le dégradé de bleus, simplement magnifique. Autour de moi, les gens s’efforcent de chuchoter, par respect, comme si l’on se trouvait à l’intérieur d’une cathédrale. Je reste pour ma part totalement muet pendant près d’une heure, littéralement incapable de prononcer le moindre mot. Ça fait cet effet là, parfois, la nature.

La cote ouest à Khoujir et son célèbre "Rocher des Chamans"La cote ouest à Khoujir et son célèbre "Rocher des Chamans"
La cote ouest à Khoujir et son célèbre "Rocher des Chamans"La cote ouest à Khoujir et son célèbre "Rocher des Chamans"
La cote ouest à Khoujir et son célèbre "Rocher des Chamans"La cote ouest à Khoujir et son célèbre "Rocher des Chamans"La cote ouest à Khoujir et son célèbre "Rocher des Chamans"

La cote ouest à Khoujir et son célèbre "Rocher des Chamans"

Alors que tu en viens à penser que c’est peut être le plus bel endroit qu’il t’ait été donné de voir, arrive le coucher de soleil. Les nuages bloquent malheureusement une partie de ses rayons, mais la mer – puisque les habitants considèrent ainsi le Baïkal – reste d’huile et prend soudainement des couleurs violacées proprement surréalistes. Le lieu est envoutant, presque magique.

Coucher de soleil sur le Baïkal
Coucher de soleil sur le BaïkalCoucher de soleil sur le BaïkalCoucher de soleil sur le Baïkal
Coucher de soleil sur le BaïkalCoucher de soleil sur le Baïkal
Coucher de soleil sur le BaïkalCoucher de soleil sur le BaïkalCoucher de soleil sur le Baïkal

Coucher de soleil sur le Baïkal

Je ne sais pas combien de temps encore je vais rester dans le coin, mais je suis certain que je n’ai pas fini d’en prendre plein les yeux.

Rédigé par Pierre

Publié dans #Russie

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F
Moi non plus, je n'en finis pas d'en prendre plein les yeux ! Merci de partager ces endroits extraordinaires. <br /> Chouette aussi que tu apparaisses parfois sur les photos !
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T
N'oublies pas que toi aussi tu viens de la nature !alors ne te prives pas de faire corps avec :-)<br /> un délicieux moment de sérénité....
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T
Tes photos sont magnifiques ! I like it !
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A
je kiffe que tu kiffes!
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M
Cet endroit est féerique :-) Contraste incroyable avec ces maisons en bois et taule !!! Magnifiques photos, bravo ! Bisous et à +
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M
oups fôte... tôle ;-)